Nuit blanche «Gagner à la régulière »
Sous le commissariat de Didier Fusillier et Jean-Max Colard. Centre sportif Ladoumègue, Paris. 5 octobre 2019

“Gagner à la régulière” titre l’œuvre, et pourtant, quoi de plus irrégulier que cette performance participative de Laurence Vauthier ? Se jouant des codes, l’artiste invite les visiteurs à une partie de football. Les règles sont simples bien que déstabilisantes : pour gagner il faut égaliser. Paradoxe d’un match dont on ne peut déterminer l’équipe gagnante ; dans cette réalisation tout le monde perd ou tout le monde gagne.
    Cette nouvelle règle impose d’autres stratégies, force la collaboration et l’entente. Pour remporter la victoire, il faut jouer avec les autres et non contre les autres. Dans un monde dans lequel le gagnant ne se conçoit pas sans perdant, Laurence Vauthier bouscule les règles, met en scène des terrains où la concorde est préservée.
    Interrogeant les sociétés, le sport ou encore le spectacle, l’artiste en déplace les enjeux. Elle interroge cette industrie du sport et du football, que reste-t-il comme matière si l’on retire les enjeux de la compétition ? Comment s’organise un match quand il n’y a ni gagnant et ni perdant ?
    On ne peut s’empêcher de faire le lien avec le football pratiqué par le peuple des Gahuku-Gama évoqué par Claude Lévi-Strauss dans la Pensée Sauvage : seul un tournoi à l’issu duquel les équipes sont ex æquo a de la valeur. L’égalité est synonyme de victoire.
    Habituellement, le match permet de déterminer le gagnant ; son identification en clôt le jeu. Voilà. C’est fini. Le gagnant est identifié. Terminé. À l’inverse, un match dont le score est aequo oblige à continuer, à reconduire… Ici, c’est le jeu qui compte.     Dans le noir de cette Nuit Blanche, le terrain du Centre Sportif Jules Ladoumègue prend des allures de scène ouverte dont les acteurs, passants s’initiant à jouer « à la régulière », dessinent les contours d’un match amical.
(Texte d’Isabelle Guitton)


© Vincent Lhuillier
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